Les Trois Brigands
« Dans Les Trois Brigands, pour le tromblon on m’a dit « no, it’s a gun » (non, c’est un fusil). Je me suis vraiment fortement battu à l’époque pour donner aux enfants un vocabulaire. Parce que plus on a de vocabulaire, plus on a de fantaisie », affirme Tomi Ungerer.
Le livre le plus célèbre de Tomi Ungerer, Les Trois brigands, paru en 1961, s’inspire de Die kühne Müllerstochter (L’intrépide fille du meunier), écrit en 1868 par Wilhelm Busch. Chez Tomi, les brigands ne meurent pas mais ils se métamorphosent au fil de l’histoire en défenseurs des orphelins. Ce sont des anti-héros inhabituels pour la littérature jeunesse car ils sont sans visage, sans identité… à part celle de brigands. L’autre héroïne du conte a un nom, Tiffany, directement inspiré par le magasin de luxe new-yorkais. C’est un clin d’œil de l’artiste à cette société de consommation qui l’irrite. La petite fille blonde est une figure solaire qui fait contrepoint aux brigands vêtus de leurs longs manteaux noirs. Son objet fétiche est un doudou, symbole de l’enfance alors que face à elle, il y a un tromblon, une francisque et … un soufflet à poivre.
Lorsque Tiffany interroge les brigands sur ce qu’ils font de l’argent volé, elle n’obtient pas de réponse. Ils ont perdu leur innocence. Ce sont deux univers qui se confrontent.
Dans les albums jeunesse de Tomi Ungerer, les enfants agissent, transforment les adultes par un processus d’inversion qui leur donne un réel pouvoir. C’est sans doute l’une des raisons pour laquelle cet album intemporel séduit des générations de lecteurs. Et il y a le dessin ! De grands aplats d’encre de Chine noire ou de couleurs, dans un style japonisant, facilitent la lecture de l’image. Les silhouettes se découpent sur des fonds bleus exécutés patiemment aux feutres et les couleurs sont très contrastées.