Giulietta
Bertrand Lavier conduit sa réflexion depuis 1978 sur l’identité des choses, la définition de la réalité, ainsi que sur l’ambiguïté de la représentation et du langage. Son travail, qui associe simplicité et rigueur conceptuelle, se caractérise par une présence physique forte des objets qu’il sélectionne. Son œuvre procède d’opérations formelles et mentales qui bousculent les catégories, les genres et les conventions pour finalement subvertir : des objets sont repeints à l’identique et avec un empâtement que l’artiste qualifie de « touche à la Van Gogh », d’autres sont superposés (par exemple, un réfrigérateur sur un coffre-fort).
À l’origine, Giulietta est une voiture de sport italienne, une Alfa Romeo victime d’un accident de la route. Répondant à un ensemble de critères fixé par l’artiste dans un cahier des charges, cette épave est sauvée de la destruction pour être placée sur un socle. Présentée ainsi dans un musée, cette voiture devenue sculpture ne manque pas d’interroger, sur son statut artistique et son caractère dramaturgique. Giulietta ne raconte pas une histoire précise. Elle est à la fois mémoire, symbole et image – de notre société, de nos peurs, ou de notre culture.
Bertrand Lavier explique :
« Giulietta n’est pas un ready-made, mais ce que j’appellerai au contraire un ready-destroyed. Marcel Duchamp avait choisi les ready-made pour leur beauté d’indifférence et leur absence d’émotion […], je me suis aperçu que je pouvais produire une chose exactement inverse : exposer un principe d’émotion. »